Décidément, nous avons la chance que la météo de Dallas ne soit pas favorable au vol de notre avion favori, le mauvais temps sur l’est du pays nous profite grandement. Nous avons pu faire du tourisme.

Après la sortie en moto, où nous avions déjà découvert la montagne la plus proche et une végétation tout aussi redoutable que les reptiles dont c’est le domaine, nous avons la chance de pouvoir bénéficier de plusieurs jours et d’aller dans le nord de l’Arizona vers le Grand Canyon. C’est superbe, incroyable, comme dans les westerns avec des forets de cactus, des montagnes rouges, des coyotes, je n’ai pas encore vu le bip-bip (roadrunner).

Ma première découverte des canyons fut grâce à John qui m’a conduite à Sedona, 2h vers le nord. Sedona est une petite ville proche d’un site magnifique de montagnes ocre et oranges très vives. Un petit village touristique à leur pied met un charme très mexicain et mercantile dans ce paysage flamboyant. Quelques kilomètres plus loin, à Slide Rock, le torrent a creusé un lit dans la roche rouge et lisse à l’occasion d’une petite déclivité, et le rapide qui en découle se transforme en toboggan naturel très prisé par les baigneurs. Sur la route, la végétation change en fonction de l’élévation. Nous passons des forets de cierges à du désert pur et dur, puis à un haut plateau où les clôtures qui bordent l’autoroute nous laissent penser que du bétail doit pouvoir s’alimenter des rares herbes jaunes qui ont poussé. Puis nous abordons une période de relief où les conifères chétifs commencent à se montrer de plus en plus nombreux. Ces conifères sont des genévriers. Au fur et à mesure que la route monte, ils deviennent plus nombreux et plus hauts. La température est moins importante.

Nous décidons de repartir vers le Grand Canyon. Pour voir le soleil s’y lever, nous partons avant 2h du matin, car il nous faut 4h de route plein nord. Nous constatons que l’élévation nous amène à 7000 ft, soit près de 2300m. Le fleuve Colorado coule au fond, semblable à un ruisselet sans hâte.


Et là, c’est grandiose, géant. Un spectacle de la nature. C’est tellement touchant, pour moi, que parfois l’émotion est proche des larmes, j’en reste sans voix. Je contemple. Le soleil laisse apparaitre les formes, les couleurs et se découvrir le relief. Il faudrait être seul, sans programme... prendre le temps de vivre ce moment, ce théâtre dans le silence du vent, la vie de ses occupants discrets (oiseaux, écureuils et tamias).
Nous retrouverons des copains qui sont venus aussi mais plus tard. Lima emmène quelques uns en avion au-dessus, (très haut dans un couloir restreint pour ne pas déranger au sol), j’en fais partie, c’est fabuleux.


Après avoir assisté au coucher du soleil sur le Grand Canyon, nous repartons plus au nord vers Page et le Lake Powell. Encore 2h de route, enfin, 3 parce qu’un éboulement a eu lieu en février sur la route et la déviation fait passer beaucoup plus loin. Nous dinons et dormons en chemin. Nous sommes en terrain Navajo. Ce sont eux et eux seuls, qui exploitent le tourisme local. Ils ont un réseau bien huilé qui leur permet de répondre à la demande. Par exemple, nous arrivons tard à Cameron pour diner et trouver une chambre. Philippe et Catherine, qui ont quitté la Belgique pour s’installer tour operators à Phoenix, nous avaient conseillé de manger au trading post de Cameron, nous ne regrettions pas d’avoir suivi leurs conseils. Au Trading Post, les chambres sont toutes occupées, on nous dit immédiatement où nous allons en trouver, combien, à distance en miles et en temps, à quel prix et les retiennent immédiatement pour nous. Ainsi nous prenons le temps de diner tranquillement et de rejoindre l’hôtel à une demi-heure de route.


Réveil tôt, on reprend la route vers Page. Nous apercevons quelques vaches dans la désolation du désert, et aussi quelques fermes isolées qui paraissent d’une pauvreté extrême. La route est souvent comme dans les films, toute droite et tourne à angle droit. Elle prend quand même le temps de faire le tour des montagnes qui se présentent, comme des pains de sucre sur un socle.
A Page, nous allons voir le barrage du Colorado qui a été construit et qui a donné le lac Powell. Entre le ciel bleu, la roche rose et celle plus blanche qui marque un niveau du lac plus élevé, nous ne pouvons qu’être émerveillés de ce que la nature peut être majestueuse.
Nous nous arrêtons à Antelope Valley. Il est près de 11h. Nous décidons de visiter la rivière souterraine, c’est la meilleure heure pour la lumière qui y entre. Encore quelque chose d’incroyable. Le lit de la rivière court en surface sur des dalles rouges feuilletées magnifiques. Sur l’une d’elles, on peut voir les traces d’un dinosaure à 3 doigts. Nous nous enfilons entre deux roches et nous disparaissons sous terre en quelques mètres.

La rivière a un lit de surface et un autre creusé profondément. Il a d’ailleurs fait des morts il y quelques dizaines d’années et depuis, aucun accès ne peut se faire sans passer par un tour organisé par les Navajos àqui appartient cette terre.

En dessous, nous voyageons entre les roches roses taillées et modelées par l’eau. Nous nous enfonçons très bas, le ciel et la lumière apparaissent et mettent en relief les formes arrondies et les couleurs douces de ce chemin souterrain.

C’est magnifique. On peut imaginer un orage et le travail de l’eau dans un tel chenal.

Retour sur terre. Nous prenons le temps de faire un tour de bateau sur le lac. Nous visitons la même Antelope Valley dans sa partie inondée. Là encore les couleurs et les formes d’où émerge un équilibre de force et de douceur nous surprennent. Toutefois, il me semble très violent qu’un barrage ait été construit dans un site aussi fabuleux.


Nous repartons vers l’aéroport voir si les copains sont là et nous les retrouvons. Pas pour longtemps car leurs objectifs ne sont pas les mêmes que les nôtres ; eux iront nager dans le lac et faire la fête ce soir, nous, nous visons le lever du soleil dans Bryce Canyon, à 4h de route plus au nord, en Utah.
Nous arrivons tard, la nuit est tombée depuis plusieurs heures déjà. En route nous avons pu croiser des cerfs et nous imaginons une vallée giboyeuse donc verte.
Nous nous réveillons très tôt encore et sommes présents avant le lever du soleil dans le site. Nous prenons le sentier qui en fait le tour. Nous avons trois épaisseurs, il fait terriblement froid, nous sommes à plus de 8000ft. Le spectacle commence avec l’arrivée de la lumière.

Bryce Canyon est très différent du Grand, d’abord parce que le site est beaucoup plus restreint mais aussi parce que ses roches sont roses et blanches et présentent un festival de dentelle de pierre. Ce ne sont que cheminées de fées et hallebardes découpées par l’érosion.

Nous sommes subjugués. Et nous continuons le sentier toujours et toujours plus loin. Le soleil se substitue à l’aube, fait ressortir le relief et les multiples découpes de pierre. Finalement, nous terminons le tour du site vers midi. Aucune indication de temps ou de distance ne figurait sur les plans.

Cette fois, nous devons regagner Phoenix. Nous reprenons la route en sens inverse, car il n’y en a qu’une. Mais comme nous découvrons les paysages en sens inverse et ceux que nous avons parcourus de nuit, nous sommes surpris par les reliefs, ceux du Red Canyon, ceux de la vallée où nous avons vu les biches avec sa petite rivière à méandres, les déserts blancs, gris, les noirs, les marrons, les beiges, les mauves aussi, la montagne enneigée (3851m) près de Flagstaff, le volcan comme dans notre Massif central.
Retour par Sedona que je fais rapidement découvrir entre le repas mexicain qui nous ravit et la nuit qui nous reprendra sur la route du retour.
Quel drôle de pays où tous les contrastes sont violents, couleurs, formes, élévations, températures.
Il ne m’a manqué que le temps de la méditation devant tant de choses qui nous dépassent, le temps d’une contemplation tranquille, sans personne, sans horaire... mais, je sais, ça n’existe pas, ça n’existe pas !
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